La découverte du ciel austral

Dans cette page :

I. Au XVIesiècle, l’astronome hollandais Peter Plancius

Les apports de Peter Dirkszoon Keyser et Frederick de Houtman

II. Au XVIIe siècle, Jakob Bartsch et Johannes Hevelius

III. Au XVIIIe siècle, Nicolas Louis de Lacaille

Ciel austral, Johann Gabriel Doppelmayer, Nuremberg 1747

I. Au XVIe siècle, l’astronome hollandais Peter Plancius

Curieusement, Vasco  de Gama, qui fut piloté à travers l’Océan Indien par le navigateur arabe Ahmad b. Majîd al-Najdî, n’a rien livré des données que connaissait cet excellent navigateur, auteur de plusieurs traités de navigation il donne une description complète du ciel austral. 

L’astronome et cartographe hollandais Petrus Plancius présente sur le globe de 32½ cm de diamètre qu’il édité à Amsterdam par Jacob Floris van Langren en 1589, trois éléments nouveaux concernant le ciel austral.

1. Crux : l’astérisme de la Croix du Sud, qui possède une grande importance dans le ciel austral est détaché de la constellation du Centaure qui l’englobait dans le catalogues grecs. En fait, les navigateurs arabes de l’Océan Indien en faisaient déjà une constellation à part qu’ils nommaient  Al-Murabba‘, « le Carré », et qui était bien plus utilisé que Suhayl, soit Canopeou le Grand nuage dit de Magellan. Il en est de même de nombreux peuples de l’hémisphère austral.

2. Colomba : cet astérisme qui faisait traditionnellement parti de la constellation de Canis Major fait est probablement référence, du fait de sa proximité avec Navis Argo, avec la colombe qui guida Jason et les Argonautes pour éviter les écueils rendant dangereuse la traversée du Bosphore.

3. Triangulum australe : la constellation nouvelle du Triangle austral doit son nom à l’analogie avec le Triangle classique, la constellation Delta créée par les Grecs. Il semble qu’elle fut identifiée par Amerigo Vespucci, navigateur originaire de Florence, semble avoir décrit une constellation du Triangle austral lors de l’un des ses trois voyages effectués, le premier en Guyane en 1500-1501, il eut conscience d’avoir un nouveau continent qui sera plus tard nommé Amérique en son honneur, le second en Patagonie en 1502-1503, sachant que nous ne savons rien de son dernier voyage effectué en 1503-1504.

4. Nebecula Major et Nebecula Minor : les Nuages [dits] de Magellan   ne sont pas des constellations mais des galaxies et nous lui consacrons un chapitre à part.

Colomba, CruxTriangulum australe & Nebecula Maior et Minor furent par la suite consignés dans l’Uranometria de Johann Bayer, publiée à Ausbourg en 1603 (voir image ci-dessous).

Les apports de Pieter Dirkszoon Keyser et Frederick de Houtman Préparé à la cartographie du ciel austral par Petrus Plancius et aidé de son compagnon Pieter Dirkszoon Keyser, Frederick de Houtman, commandant de l’expédition du navire Hollandia qui, parti de Hollande, en 1595, se dirige vers les Indes orientales, aujourd’hui l’Indonésie. Keyser meurt lors de l’expédition et c’est Houtman qui, à son retour, peut confier à Plancius le relevé des 12 constellations identifiées. 

Pieter Dirkszoon reprend le Triangle austral d’Americano Vespucci et nomme les 11 autres constellations qu’il mentionne par le contexte de son voyage. Ainsi :

1. Indus, « l’Indien », est un Habitant des Indes orientales, c’est-à-dire de L’Indonésie actuelle.

2. Hydrus, « l’Hydre mâle », doit son nom à sa ressemblance avec l’antique constellation que les Grecs ont nommée Hydra à la suite des Mésopotamiens chez qui elle était MUSH = Sêru, « le Serpent ».

* Les autres noms semblent être ceux d’animaux rencontrés lors de l’expédition. Ils ne semblent pas en effet que le ciel des Malgaches ou des habitants de Sumatra ou de Java leur fut connu.

Pour des données sur le ciel australien, voir : http://library.thinkquest.org/C005462/indexto.htm.)

Il ne se rattachent donc pas à un quelconque mythologie, comme c’est le cas des constellations d’origine mésopotamienne ou des constellations grecques classiques.

Ces constellations nouvelles sont rapportées sur le second globe céleste de 35 cm fabriqué par Petrus Plancius fin 1597 et édité par Jocodus Hondius le Vieux, puis sur celui de Willem Janszon Blaeu en 1602, et elles sont consignées par Johann Bayer dans son Uranometria, 1603.

Johann Bayer, Uranometria, édition 1661.

II. Au XVIIe siècle, Jakob Bartsch et Johannes Hevelius

De nombreuses constellations furent créées par les astronomes du XVIIe siècle. Mais peu subsistent. On en recense seulement deux.

Jakob Bartch édite en 1624 ses Planispheri stellati , ouvrage dans lequel :

* Il modifie quelques noms trouvés chez ses prédécesseurs. Il transforme ainsi Apis en Vespa, probablement pour éviter la confusion avec Apus.

* Il introduit une constellation appelée Rhombus, que Nicolas Louis de Lacaille transformera Réticule rhombique, aujourd’hui appelé Reticulum.

* Il créée, pour combler l’espace entre Orion et Canis Minor, une figure qu’il nomme Unicornu, la « Licorne », qui deviendra plus tard Monoceros.

Johannes Hevelius, de son nom polonais Jan Heweliusz, ne peut assister de son vivant à l’édition de son Firmamentum Sobiescianum, paru en 1690. On y trouve le dessin de sept constellations nouvelles dont une est située dans ciel austral :

* Il s’agit de Sextans, qui est le français « Sextant », du nom de l’instrument permettant de mesurer la hauteur d’un astre au-dessus et qu’il utilisait pour ses relevés. En fait, dès 1643, le moine Antoine de Rheita avait décrit, à cet emplacement du ciel, le Suaire du Christ, dont le nom fut vite éclipsé par celui de Sextansédite en 1624 ses Planispheri stellati , ouvrage dans lequel :

* il renomme Sextans, qui donne en français le « Sextant » , 

* il reprend Nebecula Major et Nebecula Minor : les Nuages [dits] de Magellan   ne sont pas des constellations mais des galaxies et nous lui consacrons un chapitre à part.

Crux et Triangulum australe furent ensuite consignés dans l’Uranometria de Johann Bayer, publiée à Ausbourg en 1603.

Jakob Bartsch, Panisphaeri stellati, 1624

III. Au XVIIIe siècle, Nicolas Louis de Lacaille

Élève de l’astronome Jacques Cassini, l’abbé Nicolas Louis de Lacaille effectue ses premières observations astronomiques en France et, devenue membre de l’Académie des sciences, une mission dans l’hémisphère austral de 1750 à 1754.

Avent de se rendre de 1753 1754 à l’Île de France, aujourd’hui Île Maurice, et à l’Île Bourbon, aujourd’hui la Réunion, il séjourne, de 1750 à 1752, au Cap où consigne dans son Journal historique du voyage fait au Cap de Bonne-Espérance, son travail d’achèvement de la cartographie du ciel austral.

1. Il renomme la constellation Apis, introduite par Keyser et Houtman, reprise par Plancius et sanctionnée par Bayer, et devenue Vespa, « la Guêpe » chez Bartsch, 124, pour éviter la confusion avec Apus. Il la renomme donc Musca Australis, en parallèle avec Musca Borealis qu’il créée en détachant d’Aries le petit astérisme formé par 35, 39 et 41 Ari. La suppression  de Musca Borealis permettra de changer ce nom en Musca, tout simplement. Il renomme de la même manière Réticule rhombique, ensssuite latinisé en Reticulum rhombicum puis simplifié en Reticulum, la constellation créée en 124 par Bartsch sous le nom de Rhombus.

2. Il divise la vieille constellation grecque du Navire Argo en 3 nouvelles : la Carène, la Poupe et les Voiles, ultérieurement latinisés en Carina, Puppis et Vela. Et c’est probablement du fait de la proximité de ces figures qu’il nomme la Boussole un espace stellaire qui n’a pas encore de dénomination.

3. Il dissocie un astérisme de l’Éridan pour faire du Fourneau  du Chimiste une constellation à part entière, qui deviendra plus tard Fornax tout court, soit le « Fourneau »,

4. Il insère, sur l’espace pris au Sagittaire et à la Couronne Australie une constellation nouvelle qu’il nomme le Télescope, latinisé en « le Télescope », et, dans celui pris au Centaure et au Loup, Circinus, « le Compas ».

5. Dans dautres espaces non encore dénommés, il regroupe des étoiles nouvellement observées selon plusieurs critères :

a. Il crée la Montagne de la Table en lhonneur du massif montagneux qui surplombe la ville du Cap où il est en train d’effecteur ses observations, nom qui deviendra vite Mensa tout court;

b. C’est aux artistes quil songe en créant le Chevalet du Peintre, que le XIXe siècle simplifiera en Pictor, le « Peintre » tout court, et l’Atelier du Sculpteur, ultérieurement raccourci en Sculptor, le « Sculpteur »quil accompagne de son instrument, le « Burin », latinisé en Caelum.

c. Il dédie de nouvelles constellations à des savants : cest le cas de « l’Horloge à balancier », ainsi nommée en hommage à son inventeur, Christian Huyhgens, et qui, latinisé en Horlogium pneumaticum, sera simplifiée en Horlogium,; ainsi que de la Machine pneumatique, en hommage à Robert Boyle, inventeur de la pompe à air, nom qui, latinisé en Antlia pneumatica, sera ensuite raccourci en Antlia.

d. Dautres constellations prennent des noms dinstruments de navigation, en cohérence avec la Boussole, déjà cité : il en est ainsi  nom comme cest le cas de l’« Octant », qui sera latinisé en Octans. Quant à celles qui restent, elles ont des noms dinstruments scientifiques de nature divers sans qu’il soit possible de déterminer si elles ont été choisies en hommage à un inventeur quelconque : il sagit de l’Équerre et la Règle, latinisé en Norma et Regula avant d’être raccourci en Norma,  du Microscope, latinisé en Microscopum, et du Télescope, latinisé en Telescopium.

Il est parfaitement clair que les noms des constellations n’ont rien à voir avec ceux qui sont données par les populations locales, mais participent tout à fait d’une nouvelle mythologie, celle du progrès scientifique de l’Europe en pleine révolution intellectuelle. Dans son Astronomie populaire, Camille Flammarion parlera à juste titre du « peu de goût avec lequel on a introduit dans le ciel austral la froide nomenclature d’instrument suscités dans la science ».

Nicolas Louis de Lacaille, « Planisphère ciel austral », Histoire de l’Académie Royale des Sciences, Paris : Imprimerie Royale, 1756.