Mise à jour le 11/06/2017
par Roland Laffitte dernière mise à jour le 10/10/2015
Ce calendrier est au carrefour de différentes influences : * mésopotamiennes par son contenu, l’adoption du zodiaque comme comput ; * babyloniennes, ouest et est-araméennes dans les noms zodiacaux, comme on peut le voir sur le tableau ci-dessous ; * sud-arabique par son écriture même, son alphabet étant considéré comme dérivé du sudarabique. Il constitue par conséquent un échantillon symbolique d’un véritable espace culturel pré-arabe, avant même que le surgissement ne lui donne des éléments d’homogénéisation plus grands encore. Cet article présente les noms zodiacaux safaïtiques, dont le tableau est présenté plus loin dans cet article, en rapport avec les autres listes sémitiques, tout particulièrement babyloniennes et araméennes. Pour ceux qui veulent approfondir la question des noms du zodiaque, je renvoie à ces articles de mon cru qui figurent sur ce site : Les noms sémitiques des signes du zodiaque dans l’espace arabo-turco-persan, et Sur l’origine de la constellation de la Vierge
Tableau des noms des signes zodiacaux safaïtiques Remarque : les noms sont translittérés, en caractères latins et arabes, et non voyellisés
COMMENTAIRE 1. ḏkr ≈ Aries. Cette forme correspond à celle des zodiaques araméens occidentaux (Qumran, syriaques occidentaux). Pour davantage de détails, voir « Le Point sur l’origine mésopotamienne du signe zodiacal du Bélier », 2. ’’ly ≈ Taurus. À première vue, ce nom ressemble à l”akkadien alû, c’est-à-dire GU4.ANNA, « le Taureau céleste ». Mais le mot lui-même doit être rapproché du syriaque alyta, « la Queue » [du Mouton] », et du nom arabe Alya(t) al-Ḥamal, « la Queue de l’Agneau » donné dans les calendriers arabes au groupe des Pléiades. Manāzil I & II : al-Ḥamal, « l’Agneau »
al-Kabš, « le Bélier » grec chez Al-Ṣūfī et al-Ḥamal, « le Superagneau » arabe tous deux rapportés à la même échelle (Extrait de mon livre : Le Ciel des Arabes : Apport de l’uranographie arabe, Paris : Geuthner, 2012, 85). 3. gml ≈ Gemini. Parce que le zodiaque safaïtique dérive du babylonien, on pense inévitablement au nom GAM = gamlu. Sauf que l’ascension droite de l’étoile à laquelle ce nom correspond à Babylone est α Aur, qui dépend clairement de l’espace zodiacal de ’’ly ≈ Taurus. Nous devons nous rabattre sur l’hypothèse que gml soit un nom autochtone. Dans ce cas, il faut qu’il ait existé avant l’adoption du zodiaque babylonien. C’est un phénomène semblable que l’on retrouvera plus tard chez les Arabes qui prendront sous forme d’emprunts ou de claques (c’est-à-dire de traductions en termes locaux équivalents), les noms des zodiaques araméens, sauf pour al-ğawzā’ qui correspond aussi à Gemini. Il n’y a là rien de surprenant, si l’on considère que le couple γξ Gem, qui est probablement à l’origine du nom al-ğawzā’, tient chez les Arabes de l’époque, une place importante due à sa situation astronomique[1]. Nous pouvons penser que le prestige de ce nom était tel que, lorsque le comput zodiacal babylonien fut adopté dans la region, ce noms ne put être déraciné et submergé par les nouvelles appellations. Il n’est pas impossible qu’il en fut de même pour le gml safaïtique, qui signifie probablement « chameau ». 4. s1rṭ ≈ Cancer. La forme même du nom incline à penser que, comme l’arabe al-saraṭān, il s’agit de l’emprunt de l’araméen sarṭān(a). 5. h-’s1d ≈ Leo. Le calque de l’araméen est ici tout à fait commun et se retrouve dans l’arabe al-asad. 6. (h-)ngm ≈ Virgo. C’est sûrement un terme passé par un dialecte araméen oriental. Maintenant, nous avons en babylonien tardif de nombreuses variations sur le nom originel de l’étoile correspondante, α Aur, que ce soit par synonymie ou métonymie. 7. ’mt ≈ Libra. Pas de remarque particulière sur Libra qui peut être nommé de multiples manières, par la désignation de l’objet lui-même de la « balance », ou d’un partie de et instrument. Si l’on s’en tient à la racine arabe ’MT, il s'agirait ici littéralement de l’un instrument de mesure. 8. ᶜaqbt ≈ Scorpio. C’est une forme particulière du nom ouest-sémitique commune pour le « scorpion », qui se dit en babylonien zuqaqīpu (voir le mandéen arqaba). 9. h-rmy ≈ Sagittarius. Si les listes araméennes orientales présentent généralement un objet pour ce signe, cf. le syriaque qešta, l’arabe al-qaws, et encore le mandéen hīṭya et le sudarabique haẓyan, le listes occiddntales donnent une « archer », adaptation de la figure babylonienne de PA.BĺL.SAG que l’on trouve sur des bornes de donation foncière (kudurru) du XIIe siècle avant notre ère comme et sur des seaux d’Uruk de basse époque. 10. y’mr ≈ Capricornus. Ce nom est un calque très proche de l’akkadien suḥurmāšu, littéralement « la Carpe-chèvre », plutôt que de l’akkadien urīṣu, « la Chèvre mâle », que nous rencontrons dans un calendrier zodiacal en babylonien tardif comme symbole du mois de AB (22 juin-21 juillet) et dont l’araméen gadya puis l’arabe ğady sont des adaptations. 11. mlḥ ≈ Aquarius. La forme même du mot ne permet pas ici de déterminer s’il s’agit d’un objet, ou d’un homme lié au « sel ». Mais si l’on tient compte du fait que toutes les autres listes sémitiques, occidentales comme orientales, donne pour de signe un objet, le correspondent du babylonien dālû, « seau », il faut dire que le nom safaïtique serait une exception notable s’il s’agissait d’un homme et non d’un objet, mettons le « pot à sel ». 12. ḏl ≈ Pisces. Nous avons ici un calque parfait du babylonien zibbātu, « les Queues ». En conclusion, sur les 12 signs: 1. 5 noms (s1rṭ, h-’s1d, ’mt, ᶜaqbt and probablement mlḥ) sont communs à tous les zodiaques sémitiques et consistent en emprunts, calques ou adaptations of des dialectes araméens, sans que nous puissions dire s’il s’agit d’un occidental ou d’un oriental ; 2. 2 noms (ḏkr et h-rmy) sont plutôt dérivés de noms araméens occidentaux ; 3. 1 seul nom (h-ngm) est d’évidence dans la traditon araméenne orientale ; 4. 2 noms (y’mr et ḏl) sont très proches de la description des des images des signes correspondents diffusées dans la region; 5. 1 nom (’’aly) marque une influence formelle babylonienne avec changement de sens ; et 6. 1 nom (gml) semble de pure facture locale. Le moins que l’on puisse dire est que les données linguistiques confirment les données géeographiques : nous sommes ici à un carrefour d’influences dont il est à mon sens difficile de dire laquelle est prépondérante.
Voir également : Observations & commentaires faits à Ahmed Jallad sur son travail, par Roland Laffitte le 10/10/2015. (en anglais)
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